Le Paradis retrouvé


 
 
 
Comprendre et faire comprendre le travail, la démarche et les motivations profondes d�un artiste impose une fréquentation quotidienne et assidue de son atelier. En effet, l�intimité avec une toile en gestation et en mutation permanente, surprise au fil de l�inspiration, est beaucoup plus riche de sens et de sensations que la simple contemplation d�une toile finie.
C�est ainsi qu�une observation attentive du travail de l�artiste permet de constater que dès la mise en �uvre préalable des matériaux de base, JU Jeong-Ae manifeste un goût évident pour l�activité manuelle. Elle aime agir, visiblement, en artisan pour choisir sa toile, la monte, la tendre, pour élaborer ses couleurs.
Pour un �il averti, ce goût du faire, cet attachement au travail de la main, est déjà en soi de bon augure : cette petite main, active, a besoin de s�assurer de la matérialité présente des choses, et de préparer ainsi par le jeu habile des doigts, l�espace-temps de sa toile, tendue et vibrante, futur écran de projection pour les séquences à venir de ses pulsions picturales créatives.
Alors, elle extériorise et met en scène dans ses toiles, les paysages intérieurs de son imaginaire florissant, qui voyage avec la plus grande fantaisie et parcourt des chemins oniriques et symboliques, au gré de ses plaisirs et fantasmes.
Les thèmes, compositions, formes, éléments, couleurs sont riches et variés, et interpellent vivement l�attention du spectateur.
Les éléments naturels prédominent dans tous ces espaces paysager : nuées, monts, rocs, lacs, prés, bosquets, arbustes, herbes, et surtout des fleurs à foison, figuratives ou symboliques, obsédantes parfois par leur abondance et par sa tension de leurs corolles vivaces et provocantes.
Sur ce fond rythmé de couleurs, d�autres éléments sont mis en scène : constructions, animaux, personnages.
L�inspiration générale est extrême-orientale par le choix des éléments et par leur disposition spatiale mais reste très originale et non réductible à une seule tendance.
A travers la diversité des toiles, apparaît une unité simple et se constitue de jus colorés et mats.
Ce n�est pas un simple travail productif ou reproductif qui se donne à voir en spectacle distinctif, même si (et heureusement) en première lecture rapide, l��il s�y glisse facilement, et si le regard butine avec plaisir le pollen des détails.
En effet, à ce premier niveau de travail simple, direct , immédiat, et indispensable SUR LA PEINTURE, doit succéder un autre travail important, plus complexe, médiatique, Par ou A TRAVERS la peinture (faite) SUR LE SPECTATEUR, apte ou non à entrer en résonance incité à pénétrer dans chaque toile, pour effectuer un parcours libre, dont la durée et la subtilité n�ont d�autre limite que la capacité et la volonté variables de chacun à réaliser cette recherche.
Précisons encore au dire de l�artiste elle-même que le lien subtil qui relie et harmonise ses toiles et son travail, peut se situer et se définir comme la quête et la mise en scène du PARADIS IMAGINAIRE enfin RETROUVE.



Christian DUCOURNEAU